Une autre idée proposée par des artistes programmés aux différents Festivals des Passeurs d’Humanité : marquer la solidarité en Art, en mots et en images. Ami.e.s artistes, si vous voulez adresser un texte, un dessin, une photo, une illustration… aux enfants, aux femmes et aux hommes qui habitent la vallée de la Roya, ses villages, vous pouvez l’envoyer ici

À vous, pour vous habitants, habitantes de cette si chère vallée
Des pensées et toujours des bises fortes. À bientôt forcément 
Carole Chaix

Chers ami.e.s de la Roya,
Je vous écris des vallées du nord des Hautes-Alpes,
frontalières et solidaires comme la vôtre.
Je vous écris d’un jour merveilleux d’automne.
La neige sur les sommets, la lumière dans les mélèzes, le silence et la douceur.
Je vous écris d’un jour qui sait que tout peut basculer
Que des voyageurs sans bagage ni maison
peuvent trouver la mort dans nos montagnes en cherchant la vie
Qu’un jour nous pourrions être ces migrants
Je vous écris d’un jour après la tempête
Qui a épargné nos rivières, nos maisons, nos voisins
Je vous écris avec de images dans la tête
D’un jour de printemps et d’une Roya aux eaux délicieuses
D’un jour d’apocalypse sur les écrans
Des maisons des vivants qui n’existent plus
Des maisons des morts qui n’existent plus
Des ponts, des routes qui relient qui n’existent plus
Je vous écris de tout mon coeur
En pensant à tout votre coeur
Au café bu à Saorge, à Tende
Au jour de marché à Breil
Je pense à vos portes ouvertes
À votre chaleur
À votre imagination au pouvoir
À votre capacité à faire refuge
Je vous écris pour vous dire
Que vous êtes beaux
Les gens de la Roya
Dans l’adversité
Dans la tempête
Dans la solidarité
Dans la fête
Que vous sentez bon
Le sud et les montagnes
La Roya est un fleuve
Et vous êtes nos frères humains
Qui nous rendent fiers d’être des humains
Je vous écris à la nuit tombée
En espérant que votre jour d’après
Sera plus doux
Et toujours généreux
Que nous continuerons de chérir
La vie et les eaux délicieuses. 
Prenez soin de vous, de votre vallée
Et de vos montagnes
D’humanité


Laetitia

TEXTE DE l’autrice LAETITIA CUVeLIER
L'eau
Tout comme la langue d'Ésope, l'eau est la meilleure et la pire des choses.
La pire lorsqu'elle se déverse en cataracte sur une terre qui ne peut la contenir,
qu'elle se transforme en furie dévastant tout sur son passage,
La pire lorsqu'elle sème la désolation sur son passage, impitoyable dévastatrice,
cause de souffrance pour la nature et pour les hommes.
L'eau, source de mort, malfaisance du ciel.
L'eau, la meilleure des choses lorsqu'elle nous désaltère, lorsque, pluie
bienfaisante, elle rafraichît et abreuve troupeaux et végétaux. Lorsqu'elle nettoie la plaie
du blessé, sauve la vie de l'assoiffé, rassemble les villageois autour de la fontaine ou
lorsque, ruisseau paisible elle nous enchante de sa mélodie cristalline.
L'eau, source de vie, bienfaisance du ciel.
L'eau, Janus aux deux visages, aimable et menaçante, paisible et furibonde.
A l'image de l'humain.
Texte de Charles-Denis Lévy-Soussan
Photographie de Michel Séméniako

Tende, Saint-Dalmas, La Brigue, Vievola, Saorge, Pienne, Fontan, Breil, Limone, Ventimiglia, Airole, Vernante, ma vallée est éventrée. Comble d’ironie, la tempête Alex qui violente la Roya porte le prénom de mon grand-père, ce grand-père qui m’a donné son nom. Ma Roya ravagée, mon ancre, ma source, mon refuge, déséquilibrés. La Roya et aussi la vallée d’à côté, la Vésubie, et encore celle d’à côté, la Tinée et celle de derrière, la Vermagna… Toutes sous l’eau, toutes coupées, toutes isolées. Meurtries. Des rivières et des fleuves en crue, des maisons écroulées, des ponts explosés, des routes rompues, des communications rompues. Et combien de naufragé.e.s ? Meurtrie, je le suis avec mes vallées d’enfance. Sans nouvelle de notre famille, nos ami.e.s, nos voisins…
Impuissante. Et tellement impatiente d’être avec eux, de les serrer, de les aider.

Sylvie Vassallo, le 3 octobre 2020